confrontation entre réductionnisme et pensée du complexe : Aux sources de la vie (recension) Poster un commentaire 

recension par Evariste Sanchez-Palencia

Aux sources de la vie
Par Éric Karsenti, Flammarion, Paris 2018

Voici un livre agréable à lire, fort utile pour comprendre les avancées récentes de notre compréhension de l’évolution et de la complexification du vivant ou, tout simplement, de ce qu’est la vie. L’auteur (médaille d’or du CNRS 2015) a été responsable de l’expédition « Tara Océans », qui, de 2009 à 2013 a vu la goélette Tara sillonner les mers de la planète pour prélever du plancton et des micro-organismes dans le but d’étudier le développement et les interactions des écosystèmes. Le fil directeur du livre est l’idée d’auto-organisation ; les fonctions vitales ne sont pas prédéterminées, elles résultent de mécanismes naturels, sans obéir à une nécessité programmée. L’idée n’est nullement nouvelle, c’est sa description qui est résolument moderne, rompant avec les fâcheuses descriptions finalistes (dont le « tout génétique » n’est pas la moindre) qui font tant de mal à la compréhension du vivant par le grand public. On est heureux d’apprendre que la plupart des organismes sont compatibles entre eux (à l’exception de quelque 20%). Cela explique le rôle immense des mécanismes de type symbiotique (interactions gagnant-gagnant), l’un des piliers des capacités constructives du vivant, qui prend presque à contre-pied (ou du moins relativise) la terrifiante « survivance des plus aptes ». Voilà enfin que le rôle de l’interaction entre les gènes et l’environnement (la clé de la moderne épigénétique), qui prend des distances avec la programmation apparente des organismes, prend toute sa place dans la description du vivant, et que nombre de merveilles de la nature, telles que la formation de microtubules et le transport de vésicules le long d’eux par des molécules motrices, l’architecture compliquée des cellules et des leurs agrégats fonctionnels et tant d’autres, sont expliquées par des mécanismes naturels sans la moindre finalité.
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